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Régimes de retraites à prestations définies : Les impacts du projet de Loi Macron

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Quid de l’obligation d’information sur les régimes à la charge de l’organisme gestionnaire ?
Quelles sont les nouvelles obligations applicables aux régimes bénéficiant aux mandataires sociaux des sociétés cotées ?
Quelles Informations à faire figurer dans le rapport de gestion ?

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Contexte

La loi Macron traite, parmi les nombreux sujets abordés, des régimes à prestations définies à caractère aléatoire dont le financement n’est pas individualisable, communément appelés régime 39 ou, abusivement, « retraites chapeaux »[1].

 

Obligation d’information sur les régimes à la charge de l’organisme gestionnaire

L’article 228 de la loi Macron crée une nouvelle obligation d’information à la charge des organismes gestionnaires du régime (c’est-à-dire, en cas de gestion externe[2], la compagnie d’assurance, l’institution de prévoyance ou la mutuelle en charge du versement des rentes, ou, en cas de gestion interne, l’entreprise elle-même).

Cet article n’a pas évolué depuis son adoption en première lecture par l’Assemblée Nationale.

 Le gestionnaire doit établir chaque année un rapport de suivi qui retrace, pour l’année précédente :

  • le montant des engagements souscrits,
  • le nombre de rentes servies,
  • les montants minimal, moyen, médian et maximal de rentes servies,
  • le nombre de bénéficiaires potentiels.

Ce rapport est adressé à l’INSEE et aux ministres chargés de la sécurité sociale et de la mutualité. Une version consolidée, après anonymisation éventuelle, de ces rapports de suivi est également mise à la disposition du public, dans un format ouvert permettant sa libre réutilisation : le projet de loi ne précise pas dans quelles conditions ces rapports sont mis à la disposition du public.

En l’absence de précision relative à l’entrée en vigueur de cette obligation, elle est donc applicable. S’agissant d’une obligation annuelle, elle devrait logiquement s’appliquer pour la première fois en 2016 et porter sur l’année 2015.

 

Nouvelles obligations applicables aux régimes bénéficiant aux mandataires sociaux des sociétés cotées

L’article 229 de la loi apporte plusieurs modifications au code de commerce qui s’inspirent directement du rapport de l’Inspection Générale des Finances et de l’Inspection Générale des Affaires Sociales de décembre 2014.

Ces modifications concernent :

  • les présidents, directeurs généraux et directeurs généraux des sociétés anonymes à conseil d’administration et les membres du directoire des sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance ;
  • les sociétés cotées[3].

Pour rappel, les articles L.225-42-1 et L.225-90-1 du code de commerce soumettaient déjà à la procédure des conventions réglementées les engagements de retraite à prestations définies pris, dans les sociétés cotées, au bénéfice des présidents, directeurs généraux ou directeurs généraux délégués ou des membres du directoire.

La portée de ce texte est très large puisqu’il vise les engagements pris « au bénéfice » de ces dirigeants (et non « au titre » de leur mandat) ainsi que les avantages dus ou susceptibles d’être dus « postérieurement » à leurs fonctions sociales, et non seulement en raison de la cessation de ces fonctions.

La procédure des conventions réglementées implique notamment :

une autorisation préalable du conseil d’administration ou du conseil de surveillance de ces retraites supplémentaires ;

la notification de l’autorisation des conventions réglementées aux commissaires aux comptes dans un délai d’un mois à compter de leur conclusion, lesquels devront préparer un rapport sur celles-ci, présenté à la prochaine assemblée générale des actionnaires ;

la soumission à l’approbation de l’assemblée générale des actionnaires (avec, le cas échéant, exclusion du vote des intéressés) de ces retraites supplémentaires.

La loi Macron durcit les obligations encadrant le bénéfice de tels régimes par ces mandataires en rendant applicables des mesures de contrôles dont ils étaient jusque-là expressément exclus et en créant de nouvelles contraintes (Code de commerce, article L.225-42-1 et L.225-90-1 modifiés) :

 

1° Application de la procédure des conventions réglementées « renforcée »

Les engagements de retraite à prestations définies répondant aux caractéristiques des régimes mentionnés à l’article L.137-11 du code de la sécurité sociale demeurent soumis à la procédure des conventions réglementées, mais celle-ci se trouve renforcée des dispositions suivantes :

La loi rend applicable à ces régimes les dispositions qui imposent la publicité des décisions d’autorisation de l’engagement par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance sur le site internet de la société concernée dans un délai maximum de cinq jours suivant la réunion du conseil d’administration ou du conseil de surveillance au cours de laquelle elle a été délivrée. Elle doit être consultable sur ce site pendant toute la durée des fonctions du bénéficiaire (Code de commerce, art. R.225-34-1 et R.225-60-1),

La soumission à l’approbation à l’assemblée générale dans le cadre de la procédure des conventions réglementées, devra faire l’objet d’une résolution spécifique pour chaque bénéficiaire (à ce jour une résolution unique pour l’ensemble des bénéficiaires peut être envisagée). L’approbation par l’assemblée générale sera également requise à chaque renouvellement de mandat.

 

2° Soumission de l’octroi de ces avantages et de l’accroissement des droits conditionnels à des conditions de performances appréciées au regard des performances de la société

 

La loi prévoit que les avantages et droits conditionnels octroyés au mandataire sociaux sont soumis à des conditions de performances appréciées au regard de celles de la société.

Avant le versement de la retraite, le conseil d’administration ou le conseil de surveillance devra constater que les conditions de performances sont remplies. La décision du conseil d’administration ou du conseil de surveillance se prononçant sur le respect des conditions et sur le versement de la retraite devra être publiée sur le site internet de la société concernée dans un délai maximum de cinq jours suivant la réunion du conseil d’administration ou du conseil de surveillance au cours de laquelle elle a été prise. Elle doit y être consultable au moins jusqu’à la prochaine assemblée générale ordinaire.

L’accroissement des droits conditionnels est soumis à des conditions liées aux performances du bénéficiaires appréciées au regard de celles de la société. Le lien qui n’était pas explicite dans la version initiale du projet est plus clairement formalisé.

La loi corrige une des imprécisions de la version adoptée en première lecture par l’Assemblée Nationale, à savoir que le conseil d’administration ou le conseil de surveillance devront vérifier annuellement avant l’assemblée générale ordinaire le respect des conditions prévues au titre du dernier exercice clos (la rédaction initiale visait l’exercice en cours, ce qui pouvait laisser entendre que les conditions de performances annuelles devaient s’apprécier a priori).

Les droits conditionnels accordés par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance sont plafonnés à 3% de la rémunération annuelle servant de référence au calcul de la rente.

Sur ce point la rédaction évolue peu : le législateur ne semble donc pas envisager d’autres dispositifs que ceux prévoyant l’acquisition annuelle de droits conditionnels supplémentaire. Par ailleurs, la définition de cette rémunération reste floue : de quelle rémunération annuelle parle-t-on, celle de l’année en cours ou celle qui sert de base au calcul, qui est généralement la rémunération de fin de carrière[4] ?

Le texte précise qu’« aucun droit conditionnel au titre de l’activité de membre du directoire ne peut être octroyé s’il ne remplit pas les conditions fixées aux septième et avant-dernier alinéas ». Cela signifie que lorsqu’un dirigeant devient bénéficiaire du régime on ne peut pas lui créer des droits qui correspondraient à une ancienneté passée comme salarié ou non dans l’entreprise, le groupe ou ailleurs, puisqu’une telle reprise conduirait à l’acquisition de droits potentiels en dehors de la procédure de vérification annuelle des performances et pour un montant supérieur à 3% annuel (pour l’année de la reprise d’ancienneté).

En revanche, si un dirigeant bénéficiait du régime comme salarié avant d’être désigné mandataire et qu’il a déjà « acquis » des droits conditionnels au titre de cette activité salarié, l’article 229, ne vient pas remettre en cause les droits potentiels accumulés jusqu’à ce qu’il soit désigné mandataire.

La rédaction de l’article ne lève pas totalement l’incertitude sur le moment de l’appréciation des performances puisque, si celles-ci doivent s’apprécier annuellement pour déterminer l’accroissement des droits conditionnels, le texte persiste à rendre également applicable aux régimes de retraites-chapeaux les dispositions selon lesquelles le versement des droits ne pourra intervenir avant que le conseil d’administration (ou le conseil de surveillance) ne constate lors de la cessation ou du changement des fonctions, le respect des conditions prévues (cf. ci-dessus).

Aussi, à la lecture du texte, les régimes de « retraite chapeau » seraient soumis à une double condition de performances : une condition annuelle et une condition portant sur l’ensemble de la carrière. Il pourrait donc exister des situations dans lesquelles, des droits conditionnels auraient pu être accumulés tout au long de la carrière, et seraient remis en cause à la fin de celle-ci dans le cadre du contrôle de la performance sur l’ensemble de la carrière. En effet, la rédaction du texte ne permet pas d’affirmer que le contrôle annuel se substituerait au contrôle in fine.

Les mesures décrites ci-dessus s’appliquent également lorsque le mandataire bénéficie du régime de retraite en application d’un contrat de travail le liant à la société, ou à une société qu’elle contrôle ou à la société qui la contrôle (notamment lors de leur nomination aux fonctions de président, directeur général, directeur général délégué, ou membre du directoire), pour la période d’exercice du mandat.

 

La sanction de l’absence de respect de ces obligations est la nullité de l’avantage ou des droits conditionnels octroyés.

La loi s’applique aux engagements de retraite à prestations définies pris à compter de sa publication et aux engagements de retraite bénéficiant au président, directeur général et directeur général délégué nommé ou renouvelé après la publication de la loi, à compter de la nomination ou du renouvellement.

La date d’entrée en vigueur est la date de publication de la loi, mais on peut s’interroger sur ce qu’il convient d’entendre par « engagement de retraite » et en conséquence sur l’application ou non de ces nouvelles obligations aux dirigeants titulaires d’un mandat en cours et qui sont déjà bénéficiaires potentiels d’un régime de retraite supplémentaire existant.

 

On peut noter que l’exposé des motifs de l’amendement ayant introduit cette nouvelle rédaction justifie l’interprétation la plus souple en précisant :

« En vertu du premier alinéa du II, les dispositions s’appliquent à tout engagement de retraite pris par l’entreprise au bénéfice d’un mandataire social à compter de la promulgation de la loi.

 Le 2ème alinéa du II vise deux cas de figure :

 Lorsque le mandataire social est déjà en fonction et bénéficie déjà d’une retraite chapeau, les nouvelles dispositions lui seront applicables à compter de son renouvellement intervenant après l’entrée en vigueur de la loi, le cas échéant.

 

– la nomination du mandataire social et l’engagement de retraite pris par l’entreprise à son bénéfice sont en règle générale liés voire concomitants. Toutefois, le cas de décisions de principe étendant mécaniquement les régimes d’entreprise aux mandataires sociaux peut se présenter : il pourrait alors arriver qu’un nouveau mandataire, nommé postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, bénéficie d’une retraite chapeau en vertu d’une décision d’extension mécanique, antérieure à cette date.

 Le 1er alinéa du I. ne trouvant pas à s’appliquer dans ce cas, il est utile de préciser que la disposition s’applique également à compter d’une nomination intervenant après l’entrée en vigueur de la loi. »

 

Pour les personnes qui bénéficient d’un régime déjà existant et dont le mandat social est en cours au jour de la publication de la loi, ces nouvelles mesures ne deviendraient donc applicables qu’à compter du prochain renouvellement du mandat.

 

Informations devant figurer dans le rapport de gestion

La loi complète les informations devant figurer dans le rapport annuel du conseil d’administration ou du directoire (ou rapport de gestion) qui doit être présenté à l’assemblée générale pour approbation.

Il est rappelé que pour les sociétés cotées ce rapport doit être déposé au greffe du tribunal de commerce où il est consultable par tout intéressé.

Pour les sociétés non cotées, une copie du rapport de gestion est délivrée à toute personne, à ses frais, au siège de la société sur simple demande[5].

À ce jour, le rapport de gestion doit faire mention des engagements de toutes natures, pris par la société au bénéfice de ses mandataires sociaux, correspondant à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d’être dus à raison de la prise, de la cessation ou du changement de ces fonctions ou postérieurement à celles-ci. Cette information doit préciser les modalités de détermination de ces engagements.

La loi prévoit que cette information soit beaucoup plus précise en matière de d’«engagements de retraite et autres avantages viagers». Elle prévoit que cette information «doit dans des conditions et selon des modalités fixées par décret, indiquer les modalités précises de détermination de ces engagements et contenir, pour chaque mandataire social, une estimation du montant des rentes qui seraient potentiellement versées au titre de ces engagements et des charges afférentes».

 

D’après l’exposé sommaire de l’amendement ayant introduit cette obligation dans le projet de loi, ce décret devrait prévoir qu’il conviendra de publier les informations suivantes :

le régime juridique ou fiscal permettant d’identifier le type de régime

le rythme d’acquisition des droits

l’existence éventuelle d’un plafond et son montant

les conditions d’entrée dans le régime

les conditions diverses contraignant le bénéfice de la rente

les modalités de financement

le nombre de bénéficiaires, le cas échéant potentiels, du régime, pour les rentes servies et en cours de constitution

la comparaison avec les autres régimes de l’entreprise

le caractère ouvert ou fermé du régime

les hypothèses utilisées pour l’estimation individualisée des charges et des droits acquis, le cas échéant conditionnels.

Cette obligation, sous réserve de la publication de ce décret, devrait entrer en vigueur pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2015.

 

Et maintenant

Le conseil constitutionnel a validé les articles concernés le 7 août dernier.

Les décrets d’application de l’article 229 qui préciseront les modalités d’information sont désormais attendues avec impatience. Permettront-ils de répondre aux questions soulevées par le texte de loi ?

Rappelons par ailleurs que la France a l’obligation de transposer d’ici à mai 2018 la directive européenne du 16 avril 2014 qui impose notamment de permettre la préservation des droits des travailleurs qui quittent l’entreprise. Une refonte plus profonde du cadre réglementaire et fiscal des régimes à prestations définies est-elle à attendre dans les mois qui viennent ?

 

 

[1] Le terme « retraite chapeau »  désignant en toute rigueur les seuls régimes à prestations définies dont le calcul de la rente est différentiel.

[2] Il est rappelé que pour les régimes créés à compter du 1er janvier 2010, la gestion est obligatoirement externalisée.

[3] Les sociétés sont considérées comme telles dès lors que des titres sont cotés sur un marché réglementé : il peut s’agir d’actions mais aussi d’obligations !

[4] C’est sur la base de la rémunération de fin de carrière que s’assoit par exemple la notion de « taux de remplacement »

[5] Code de commerce, art. L.232-23

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